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"Le camembert Président, ce fromage d’infamie qui salit la Normandie"
Le poing sur la table
Par Périco Légasse
Publié le 24/03/2024 à 13:00
En violation d’une décision du Conseil d’État, le groupe Lactalis persiste à étiqueter son plâtre industriel en usant d’une formule interdite par la loi pour cause de tromperie du consommateur. Jusqu’où le cynisme et l’arrogance d’Emmanuel Besnier, son principal actionnaire, iront-ils ? La vérité sur un scandale.
« Fabriqué en Normandie ». Cela fait trente-deux ans que cette mention aurait dû disparaître des boîtes de camembert industriel au lait pasteurisé. Elle continue pourtant à figurer sur l’étiquette du célèbre fromage Président, emblème du groupe Lactalis, leader mondial de l’industrie laitière et propriété de la famille Besnier.
Pourquoi doit-elle disparaître ? Parce que, en vertu de la législation sur les appellations d’origine protégée en vigueur dans l’Union européenne, lorsqu’une indication géographique se réfère à un territoire ou à une région définie, en l’occurrence la Normandie, il est strictement interdit à toute autre production laitière ne respectant pas les critères de l’AOP d’user de ce nom. C’est précisément sur ce point que la notion de protection de l’appellation prend tout son sens.
REFUS DU RÉEL
Le nom Normandie est protégé, en aucun cas il ne peut désigner un fromage non conforme aux principes et aux valeurs de l’AOP. Et Président encore moins que les autres, car il est la négation scientifique, culturelle et alimentaire de ce que doit être un authentique camembert normand.
Rien n’est plus scandaleux et affligeant aujourd’hui, dans l’univers agricole français, que de voir le mot « camembert » accolé à celui de « Président », même si cet état de fait n’est pas illégal, mais dès lors que le mot « Normandie » vient s’ajouter à cette aberration, on bascule dans la forfaiture. Réalité que le Conseil d’État a établie, à plusieurs reprises, en termes juridiques très précis, la dernière en date, jugée cette fois-ci sur le fond, étant celle du 22 juillet 2022.
Le plus paradoxal est que cette procédure avait été enclenchée par le groupe Lactalis lui-même, en septembre 2020, pour faire annuler une disposition de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, donc du gouvernement, sommant les industriels de faire disparaître la formule « fabriqué en Normandie » des fromages non conformes à la loi, c’est-à-dire à la définition que l’appellation d’origine protégée donne du camembert de Normandie, la seule, l’unique, la vraie : au lait cru moulé à la louche.
L’avis de la répression des fraudes fixait la date butoir du 31 décembre 2020, avec astreinte pour toute étiquette usant encore de l’expression interdite. Tous les industriels laitiers s’y sont conformés, sauf Lactalis. Débouté à chaque tentative de contournement de l’AOP, finalement vaincu le 22 juillet 2022, Emmanuel Besnier s’enferme dans le refus du réel, le cynisme et l’arrogance, comme si c’est lui qui avait eu gain de cause. Il est vrai que sa puissance économique et financière lui donne les moyens de cracher au visage du Conseil d’État, tribunal suprême du droit administratif de la République française, en toute impunité. Du jamais-vu.
MÉPRIS DU CONSOMMATEUR
Mais le plus grave demeure le contenu du Président, un plâtre issu d’un lait osmosé (dont on retire de l’eau par forçage physique), pasteurisé une première fois à 73° et une deuxième à 90°, issu de vaches confinées dans une étable, sans aucune sortie, et nourries au maïs fermenté par ensilage sous plastique enrichi au tourteau de soja brésilien déforestateur.
100 % lait normand », stipule le label, contigu à « fabriqué en Normandie », puisque l’usine Président de Domfront – dont le coagulateur géant, contenant 40 000 litres de lait, produit 550 000 fromages par jour, soit dix par seconde –, se situe effectivement dans le département de l’Orne. Comment peut-on à ce point mépriser et tromper le consommateur ? Libre à Emmanuel Besnier de produire sa merde pasteurisée, mais qu’il ne salisse pas la Normandie avec.
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