Utopia Montpellier :
" In the summers "
Pour ses débuts remarqués derrière la caméra, Allessandra Lacorazza a plongé dans sa mémoire intime, puisque ce projet a accompagné son deuil après la mort de son père, l’amenant à repenser cette figure paternelle certes défaillante et marquée par l’addiction, mais qui était dans le même temps un homme blessé et profondément aimant. Elle s’est alors posé une question centrale : peut-on vraiment se faire pardonner ? Et c’est autour de cette réflexion que le film s’est construit.
En quatre chapitres, comme autant de fragments de mémoire, on découvre Eva et Violeta : deux sœurs que l’on suit à différents âges de leur vie. Quatre étés passés chez leur père Vicente, qui habite un petit pavillon à Las Cruces, au Nouveau-Mexique. Dans cet environnement aride, à proximité des sables mouvants du désert de Chihuahua, les vacances s’égrènent entre plaisir des retrouvailles, ennui profond, fulgurances et abandons du père. Chaque chapitre est une étape du temps, un miroir de l’évolution intérieure des personnages, une nouvelle tentative d’approcher ou de survivre à ce père complexe.
Car Vicente est un personnage contradictoire. L’œil tantôt brillant tantôt hagard, il est charismatique, fragile et imprévisible, figure paternelle à la fois aimée et redoutée. Il n’est ni idéalisé ni condamné : Alessandra Lacorazza préfère capter la nuance, les moments d’ambivalence où la tendresse et le danger coexistent.
Plutôt que de construire un récit linéaire ou spectaculaire, In the summers privilégie les gestes, les silences, les non-dits. Chaque séquence semble tirée d’un souvenir précis, d’un après-midi trop long, d’une conversation restée en suspens, d’un jeu qui finit mal, de ces instants de plaisir qui annoncent déjà la bascule qui arrive, de cette pression constante qui pèse sur les corps et les relations.
À travers cette fresque intime, la réalisatrice explore plusieurs thèmes majeurs : la construction et l’affirmation de soi face à un parent défaillant, la place de la mémoire dans la transmission familiale, et surtout, la possibilité – ou non – de guérir. Le film résonne aussi comme un hommage discret aux familles latino-américaines, aux enfances fragmentées entre plusieurs cultures, plusieurs territoires, plusieurs appartenances.
La caméra d’Alessandra Lacorazza est discrète, pudique. Elle observe, elle écoute, elle laisse vivre. La lumière naturelle, les décors minimalistes et les cadrages serrés sur les visages participent à une atmosphère douce-amère. Loin du pathos ou de l’illustration sociologique, In the summers touche par son humanité. Chaque personnage, même secondaire, existe avec ses contradictions. Il n’y a pas de monstre, pas de héros, seulement des êtres humains confrontés à leurs limites. Au fil des étés, le film vient nous questionner : que garde-t-on de nos parents quand on devient
adulte ? Et comment transforme-t-on ce legs, fait d’amour et de douleur, en quelque chose de vivable ?
Réalisation : Alessandra LACORAZZA
USA : 2024
Durée : 1h38 mn
Genre : Drame
Casting : avec René « Residente » Pérez Joglar, Sacha Calle, Lío Mehiel, Leslie Grace......