Les pièces de théâtre sont infinies. Leurs alentours sombres. L’arrière scène – tout le monde le sait – est toujours le début et la suite d’un spectacle. Cause et effet de toute fiction.

Ziti & Orzo nous présentent une aventure erratique autour du théâtre de La Vignette, entre les endroits cachés de l’université Paul-Valéry et ceux de notre imaginaire, pour nous révéler, entre sursauts et lumières noires, les trames de leur road trip transversal. Commencé il y a un an sous forme de résidence, cette œuvre a pris des formes étranges et multiples, mêlant les récits maléfiques des mondes numériques à nos dystopies quotidiennes à l’aide de followers anonymes. Sa conclusion demeure encore à venir. Comme une histoire suspendue, elle est en attente d’être non pas résolue, mais tout simplement découverte.

Loin d’être relégué à un rôle marginal, le public participe, étonné et suspicieux, à une œuvre sans œuvre où il s’agit de creuser des trous bien réels dans tout ce qui revêt une apparence irréelle. Ce cadre ouvert, ponctué par des frissons, suggère que le Web n’est plus dans l’écran et montre à quel point ce bâtiment délabré que tout le monde ignore depuis longtemps dégage des présences fantasmatiques.

Into the Rabbit Hole, une creepypasta* hors scène, constitue ainsi une initiation en trois étapes à une dimension fantasque de l’existence plus réelle de la réalité. Afin que le jeu s’accomplisse et devienne un fait total, Ziti & Orzo, en compagnie d’irrévérencieux doppelgänger* et de masques redoutables, ont prévu une exhumation, une procession et une célébration. Ils vont même chanter, comme des antiquaires, d’une part les traces sédimentées par leurs followers sur les réseaux sociaux, puis celles induites dans le cadre des voyages psychosensoriels dont ils ont fait réciproquement l’épreuve, au moyen de l’hypnose, de l’astrologie et de champignons, afin d’ouvrir, pour cette expérience inouïe, les portes de la perception. C’est le plan pour une déambulation nocturne, une performance, une manigance prévoyant le dévoilement du côté obscène de la place publique.

Trigger warning* : il y aura des dissonances, de l’horreur et des erreurs dans l’air !

- Vincenzo Susca,
Sociologue de l’imaginaire et médiologue, Université Paul-Valéry Montpellier

▬▬ BIOGRAPHIE
Diplômé·es de l’École supérieure des beaux-arts de Montpellier en 2017, Chloé Viton et Geoffrey Badel ont collaboré à plusieurs reprises. Les deux artistes font partie des membres fondateurs du Collectif In Extremis. Iels participent au post-diplôme Saison 6, créé en 2018 par le MO.CO. Esba, structuré en trois temps de résidences : Cochin (Inde), Venise (Italie) et Istanbul (Turquie). En parallèle, iels occupent le même atelier à Montpellier et travaillent régulièrement ensemble pour leurs projets de performances respectifs (« An ye harm none, do what ye will » de Geoffrey Badel au MO.CO. en 2019, « Cosmic Soup » de Chloé Viton au Centre Pompidou en 2021). Partageant des affinités et des recherches similaires dans leur pratique, cette résidence croisée entre l’université Paul-Valéry et le Frac Occitanie Montpellier leur permet d’emprunter de nouvelles directions. Iels ont ainsi saisi cette opportunité afin d’élargir leur champ d’expérimentations, de remettre en cause leurs propres limites, de lâcher-prise et de se risquer ensemble.

▬▬ PARTENARIAT
En partenariat avec le FRAC Occitanie

*Légende urbaine ou récit effrayant diffusé essentiellement sur Internet se déclinant sous différents formats (images, textes ou vidéos). Elles naissent de rumeurs et s’alimentent de spéculations générées par les internautes.

**Mot allemand signifiant « sosie » ou « double d'une personne vivante ». Il peut être perçu comme un être imaginaire qui révèle le côté obscur de la personne ; son alter ego maléfique.

***Trigger warning est un terme anglais qui désigne l'alerte à propos d'un déclencheur. En psychologie, un trigger warning est un avertissement qui prévient qu'une œuvre contient des éléments pouvant déclencher le rappel d'un traumatisme.