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Date : 16-01-2024 09:41:07
Imams : qui paie prêche
LA CHRONIQUE DE KAMEL DAOUD. Depuis le 1er janvier, la France n’accepte plus les « imams détachés ». Mais comment l’État laïque peut-il financer ses propres prêcheurs musulmans ?
Par Kamel Daoud Publié le 15/01/2024 à 17h30
C'est de l'humour post-guerre civile algérien : « Un fidèle s'adresse à son imam de quartier pour lui expliquer sa déception : “Lorsque je vous écoute prêcher chaque vendredi, je ressens de l'émotion, certes, de la ferveur, à vrai dire, mais rien de plus. Ce n'est pas le cas quand j'écoute les prêches de l'imam de La Mecque à la télévision. Là, j'éprouve de la grâce, je pleure, je ris et je me sens renaître.”
Serein, l'imam du quartier lui rétorque alors : “Donnez-moi le salaire de l'imam de La Mecque et je vous ferai voler dans les airs.” » La boutade résume bien l'enjeu clérical en Islam : la prédication, c'est d'abord celle de celui qui la paie
. Aujourd'hui, on annonce en France la fin des imams d'importation, appelés avec réserve « imams détachés ». Par qui ? Par les États sources : l'Algérie, la Turquie, le Maroc. Dans l'ordre statistique. C'est une décision effective au 1er janvier 2024. Comme il se doit, la chose divise la France. Contre ? Pour ? Ou haussement d'épaules ?
Résumons : les imams détachés sont les fonctionnaires de leurs États d'allaitement. Ils lui obéissent, dans la directive politique, parce qu'il les rémunère. Cela signifie que l'imam est un agent d'influence, outil du fonctionnariat, mais aussi vecteur de la traditionnelle emprise politique d'un pays étranger sur la communauté musulmane française.
Dans ce cas, comment continuer à rêver de la « solution » d'un islam de France payé par un pays étranger ? L'islam restera, dans ce cas de figure, cet objet exogène, postcolonial, communautaire qui sert à tout, sauf à la République. Il cultivera le déni, le séparatisme, le repli, l'identitaire. La France, la francité n'y gagnent rien.
Ce qu'il faut, ce sont des imams français, formés « ici », à la langue d'« ici », pour la République d'« ici »
. Grande ambition, petite marge de manœuvre cependant : la France étant un État laïque, la loi de 1905 ne lui permet pas de payer des ministres du culte. Aujourd'hui, les imams des mosquées du pays, qu'ils soient clandestins ou non, polémiques ou non, sont employés par des pays tiers, des propagandes tierces, des officiers de pays étrangers et de leurs politiques ou des « internationales » islamistes. C'est celui qui rétribue qui dicte le prêche et son orientation.
Dans le cas français, l'annonce de Darmanin consacre une prise de conscience qui a tragiquement tardé mais attend mollement le « cadre spécifique » miraculeux.
lepoint.fr
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