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Date : 13-08-2024 11:10:00
L’Afghanistan des talibans, le pays qui efface les femmes
. En trois ans, les talibans ont réintroduit la barbarie d’État en Afghanistan. La communauté internationale tolère le scandale.
Voilà plus de mille jours que les talibans ont interdit aux filles, dès l'âge de 12 ans, de fréquenter les écoles en Afghanistan. Mille jours qu'ils ont réintroduit la barbarie d'État dans ce grand pays d'Asie centrale transformé en un « émirat islamique ». Aucun autre pays n'a aboli les droits des femmes de façon aussi globale et systématique. Aujourd'hui, quelque 20 millions d'Afghanes sont contraintes de vivre en fantômes sur leur propre terre.
Quelle naïveté des dirigeants occidentaux, qui croyaient dur comme fer que la nouvelle génération islamiste serait plus « modérée » que la précédente ! Impatients de se retirer du pays, les Américains ont fermé les yeux sur le drame qui se préparait. Si incroyable que cela paraisse, l'accord conclu, le 29 février 2020 au Qatar, par les émissaires du président Donald Trump avec les talibans ne faisait aucune mention des droits des femmes.
Arrivé au pouvoir quelques mois plus tard, Joe Biden a appliqué sans sourciller les engagements pris par son prédécesseur. Les troupes américaines avaient à peine le dos tourné que les « étudiants en religion » entraient à Kaboul, le 15 août 2021, sans coup férir.
Depuis lors, les talibans se comportent en despotes, comme lors de leur premier passage au pouvoir (1996-2001). En trois ans, ils ont publié une cinquantaine de décrets qui, sous prétexte de moralité « islamique », restreignent de manière draconienne l'accès des femmes à l'éducation, à l'emploi, à la santé, à la justice. Elles sont bannies de la plupart des métiers du secteur public, des universités, des médias, des parcs, des bains publics, des salles de gym et de danse.
Elles doivent se couvrir des pieds à la tête dans l'espace public. Elles doivent toujours être accompagnées d'un mahram, un chaperon masculin. Même les salons de beauté ont été fermés. L'effacement des femmes, conjugué à l'émigration massive, aggrave la pénurie de services médicaux. Les médecins hommes n'ont plus le droit de les ausculter ; elles n'ont qu'à prendre leur douleur en patience. À titre d'exemple, plus aucun hôpital ne traite le cancer du sein.
« Apartheid sexiste »
Plus que d'une simple discrimination, c'est d'une persécution d'État que les Afghanes sont victimes. Un « apartheid sexiste », constitutif de crime contre l'humanité, comme l'ont écrit des experts de l'ONU dans un rapport publié en 2023. Outre les nouvelles législations, d'autres violations des droits humains se multiplient : mariages forcés, y compris d'enfants, violence domestique, féminicides… Celles qui osent se plaindre à la police quand elles sont battues par leur mari s'entendent répondre, selon le rapport onusien, qu'« elles l'ont probablement mérité ».
Se révolter contre le joug islamiste expose à l'emprisonnement, aux châtiments corporels, voire à la peine de mort. Plusieurs dizaines de femmes ont été flagellées en public rien que pendant l'année écoulée, selon l'ONG Afghan Witness. Le chef des talibans, le mollah Akhundzada, vient d'annoncer la réintroduction de la lapidation, notamment pour les cas d'adultère.
Si cette situation lamentable ne cesse de s'aggraver, c'est aussi parce que la communauté internationale assure le service minimum. Les Afghanes ont quasiment disparu de l'ordre du jour diplomatique mondial. En juin, l'ONU a accepté l'exigence d'une délégation talibane qu'aucune organisation de la société civile – et donc, aucune femme afghane – ne participe à une réunion à Doha portant sur l'aide à l'Afghanistan. Emmurées vivantes dans leur pays, effacées aussi sur la scène mondiale !
L'oppression talibane n'est pourtant pas un simple problème local. Elle accélère l'émigration, dont les pays européens doivent supporter le fardeau. Elle envoie au monde entier le signal que les femmes peuvent être persécutées impunément.
La perception d'une faiblesse de l'Occident a toujours des conséquences graves pour les peuples qui aspirent à la liberté. Ce n'est d'ailleurs pas une coïncidence si Vladimir Poutine envahissait l'Ukraine six mois après que les troupes de l'Otan eurent plié bagage en Afghanistan.
La barbarie moderne qui règne à Kaboul montre aussi, en creux, l'incapacité des grandes puissances asiatiques comme la Chine et l'Inde à remplir le vide géopolitique ouvert dans leur environnement immédiat par le repli des États-Unis. Le désengagement américain nourrit le grand désordre mondial et ne profite qu'aux tyrans. Ceux qui en doutent n'ont qu'à demander leur avis aux Afghanes.
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