Salia Sanou
de fugues ... en suites
L’Art de la fugue est une partition probablement inachevée de J.S. Bach, considérée comme l’œuvre ultime du Cantor de Leipzig, et l’apogée de son art. Écrit sans lui assigner une orchestration ou un instrument particulier, ce traité absolu du contrepoint reste l’une des plus grandes prouesses de la musique occidentale. Cet aspect abstrait, indéterminé, car cet inachèvement pourrait être une énigme laissée à ses successeurs, fait de cette composition la candidate parfaite pour être un chef-d’œuvre universel. Que le chorégraphe burkinabé Salia Sanou s’en soit emparé en lui ajoutant de la kora et du balafon est certainement moins étonnant qu’il n’y peut paraître.
Réunissant les pianistes Zhu Xiao Mei, Célimène Daudet et Bruce Liu, la musique électro de Marin Cardoze qui répondent à la kora de Toumani Diabaté (1965 – 2024) et le balafon de Ballaké Sissoko, il transporte la structure de Bach dans des sonorités – et peut-être des contrées – imprévues.
Reste que l’écriture de Salia Sanou prend, dans De Fugues… en Suites…, un tour magique. Extrêmement précise, suivant les effets de miroir et de renversement des fugues, dessinant des lignes rigoureuses enserrées dans une magnifique complexité de formes, la composition est foisonnante, alerte, ingénieuse. Avoir choisi six femmes aux parcours différents pour l’interpréter est une trouvaille car, ensemble, elles colorent de leurs expériences ce langage aux motifs sophistiqués. Leur danse est un manifeste de joie, de liberté, d’allégresse, se répercutant dans les corps. Maniant l’art de la fugue avec une dextérité ahurissante, la conjuguant à tous les temps, à tous les modes, Salia Sanou signe une pièce virtuose, avec la simplicité de l’évidence.