Réalisé par HUR Jin-ho - Corée du sud 2024 1h56mn VOSTF - avec Sul Kyung-gu, Jang Dong-gun, Kim Hee-ae, Claudia Kim... Scénario de Hur Jin-ho et Park Eun-kyo, d’après le roman Le Dîner de Herman Koch .
Du 02/07/25 au 15/07/25
C’est cinglant. Dans la veine, clairement revendiquée, du décapant Parasite de Bong Joon-ho, A normal family est une réjouissante autant qu’effroyable satire de la bonne société coréenne, doublée d’un dézingage en règle de la famille bourgeoise « normale », comme le promet le titre. Rapports de classe houleux, amours filial et parental soumis à des secousses sismiques de magnitude 8 à 9, jalousies aigres, fratrie dysfonctionnelle, relations incertaines aux écrans, à la violence et au monde réel, sens moral et éthique personnelle à géométries variables… tout ça maintenu sous pression dans une ambiance des plus feutrées : on navigue tout de même entre la classe moyenne-haute et la classe haute-haute de Séoul.
À ma gauche, la famille (recomposée) du frangin « qui a réussi ». Avocat cinquantenaire qui se vend (très cher) au plus offrant, se fait fort de faire acquitter un meurtrier (pourvu qu’il ait les moyens de s’offrir ses services), qui a une petite bonne à la maison et exhibe comme un trophée sa jeune et sculpturale seconde épouse – et qui fait l’aumône à son petit frère de l’inviter dans le resto de luxe qu’il choisit pour régler les problèmes de famille (par exemple : trouver une pension, de luxe également, pour caser leur vieille maman aussi sénile que méchante). Pas vraiment le gentil de l’histoire, se dit-on in-petto.
À ma droite, le cadet sensément « raté » est tout de même chirurgien. Chef de service dans son hosto, il s’efforce de tenir son rang tout en faisant honneur à son serment d’Hippocrate – ce n’est certes pas lui qui, obéissant à la direction, jetterait à la rue un nécessiteux incapable de payer son hospitalisation (oui, ça ne rigole pas avec le système de santé, en Corée). Pas un cador, pas une grande fortune, donc, mais un mec bien. Dirait-on.
On comprend bien que les dîners de famille, rituels obligatoires qui réunissent les deux hommes et leurs épouses légitimes, sont autant d’occasions d’exciter, autour de grands crus hors de prix, les petites haines recuites au cours de discussions à fleurets (à peine) mouchetés. Les uns ne font qu’à peine semblant de masquer leur morgue de dominants, les autres peinent à retenir leurs perfidies envieuses.
Mais voilà : l’avocat a une fille (d’un premier mariage), le chirurgien un fils. Et justement, ce soir-là où les parents jouent à « faire famille », les deux rejetons, deux adolescents qui généralement se calculent à peine, se retrouvent en loucedé à une soirée au sortir de laquelle, libérant sous l’effet de l’alcool une rage trop longtemps contenue, ils commettent, comme on dit, l’irréparable… À la suite de quoi, comme un tuyau d’évacuation fissuré qui laisse la fosse se vider, tout part à vau-l’eau, se retrouve cul par-dessus tête : veaux, vaches, cochons, morale, richesse, éthique, famille, postures, ambitions, convenances, amour, droiture, projets… les gentils, les méchants, tout ça n’a plus guère de sens.